Cette pensée de la classe moyenne noiriste née des acquis de 1946 a refait surface avec, principalement, le feu prof. Leslie Manigat après 1986. Il s’agissait tout simplement de capturer l’esprit de Toussaint Louverture se mettant à la solde des puissances de son temps l’une en même temps que l’autre en les dressant l’une contre l’autre afin d’acquérir l’Independence. L’on sait déjà comment ça a tourné pour Toussaint lui-même au fort de Joux. Cependant, il a posé les bases de l’Independence qui sera acquise peu d’années après.
Difficile d’imaginer aucun des actuels candidats qui soit capable d’accéder au pouvoir sans l’aval de l’étranger (l’Américain tant critiqué). Il faut dire que l’ Haïtien n’est pas le seul à être sous la coupe réglée de la seule super puissance mondiale. La révocation du visa américain a toujours constitué l’arme fatale utilisée pour contenir les acteurs politiques de la plupart des nations faibles et autocratiques. Cela a conduit certains politiciens, dans certains cas, à considérer leur comportement et à rechercher la bénédiction de l’aigle avant d’agir. De ce fait, la rhétorique devient dissonante de la pratique. Ce n’est plus un péché que de parler contre le blanc, mais un acte suicidaire d’agir à l’encontre des intérêts de celui qui finance l’organisation même des élections nationales.
Beaucoup se sont bernés à croire qu’ils pouvaient accéder au pouvoir avec son appui ensuite diriger sans l’approbation du “grand Satan.” Les exemples vivants sont d’un autre pouvoir. De nos jours encore, des naïfs se mentent et des cyniques trompent délibérément les gens, en se faisant passer pour des nationalistes capables de mettre le blanc à sa place une fois au pouvoir. C’est un mensonge qui doit cesser.
De nos jours, la bataille idéologique est mise en veilleuse, même quasiment morte. Les éléments traditionnels de gauche ont refroidi la ferveur populaire et la mobilisation de masse n’est qu’un semblant. Les masses ont été mises à leur place et ne sont plus intéressées à un dialogue qui n’a aucune chance de porter du fruit à leur profit. L’élite politique a les mains libres et peut continuer à courtiser le blanc. Pourtant, top ou tard, il faudra rendre compte au pays. Une percée louverturienne est non seulement improbable, mais aussi dangereuse pour tout le monde. Improbable car Toussaint fut un homme d’état avec une intelligence et une dédicace extintes depuis longtemps déjà. Dangereuse car le pays est aujourd’hui plus dépendu qu’il l’a été à l’époque de Toussaint. Un diplomate étranger ose marteler publiquement que les résultats des élections ne sont pas donnés dans les rues.
Cela peut paraitre défaitiste, mais en fait, une percée louverturienne est une proposition obsolète. Le temps est passé, la “nation” s’est résignée avec la nouvelle réalité. Le désengagement populaire en est la preuve. Les élites ont perdu la confiance du peuple. Le junte têt kalé n’oserait jamais même tenter pareil coup électoral si ce n’était pour le fait que le pays est tout à fait soumis. Le pays est soumis à ses oppresseurs dont la junte en rose est la main visible. Le pays est soumis à ses ennemis dont le PHTK est le visage. Le pays est soumis à ses conquérants dont le PHTK est le représentant. C’est un pays soumis et à la merci des ambassades de pays prétendus amis mais qui, de préférence, agissent comme maîtres et seigneurs de cette nation jadis fière et altière.
L’intelligentsia haïtienne est une honte pour le pays et même pour la race noire du monde entier. Il est insolite qu’un pays ayant acquis son indépendance depuis plus de deux siècles puisse continuer à végéter d’une façon aussi lamentable, chacun poursuivant ses propres intérêts au mépris de la nation. Il est incroyable, après les évènements de 1986, que le pays n’a pas toujours un organisme électoral Independent mais plutôt, à chaque cycle, un ensemble de mercenaires sans scrupules travaillant exclusivement pour le parti au pouvoir et pour les blancs. Une percée louverturienne est entièrement hors de portée de la génération actuelle, pas plus qu’une baisse de la vie chère est improbable. Les noirs à travers le globe regardent le pays avec une tristesse qui fait rougir les hommes de bonne volonté.
Au lieu d’une percée louverturienne, l’élite ,les soumis de la classe moyenne veulent engloutir le peuple une fois pour toutes. Les ressources du sous-sol sont vendues (pratiquement données) à l’étranger afin que la classe dirigeante puisse être maintenue au pouvoir; la jeunesse universitaire est désaxée et désabusée au point où les organisations qui ont été jadis au-devant de la scène, à l’avant garde des mouvements de masse, n’existent plus aujourd’hui. Jovenel Moise a réussi au-delà de ses rêves les plus drôles. Il a réussi à mettre à sa solde des pseudo-intellectuels réputés, doués et sophistiqués. Les masses sont donc laissées pour compte dans le désert du chômage, de la misère et de l’analphabétisme.
Une réalité sur laquelle historiens, journalistes et militants ont souvent jeté un voile, par lâcheté intellectuelle ou opportunisme idéologique. Mais les faits sont têtus, et il existe assez d’archives pour l’attester. Durant les longs siècles de traite et d’esclavage occidental, des Etats négriers d’Afrique , des hommes ont participé et se sont enrichis grâce à ce commerce, comme les royaumes d’Ashanti ou d’Abomey (actuels Ghana et Bénin) .
il est grand temps que, nous commençons donc par avouer notre part de responsabilité dans la vente et l’achat de l’homme noir, hier et aujourd’hui… Nos pères ont pris part à l’histoire d’ignominie qu’a été celle de la traite et de l’esclavage noir. Ils ont été vendeurs dans l’ignoble traite atlantique et transsaharienne…
Une percée louverturienne est un vœu pieux et une espérance morte. Mais, il faut quand même s’attendre à ce qu’un jour les masses se réveilleront de leur sommeil et demander compte a ceux qui les ont maltraitées pendant si longtemps. Il est impossible que le statu quo perdure à jamais. Le pays est soumis, mais pas mort. La jeunesse est soumise, mais pas éliminée à jamais. Les masses sont écartées, mais pas englouties et anéanties pour toujours. “Bat chen an, tann mèt li.”