Le soutien économique. On pense évidemment en premier lieu aux transferts de fonds des membres de la diaspora, évalués à plus de 2 milliards de dollars par an (en comparaison, le Produit national brut était de 11 milliards en 2009). Ces envois permettent à de nombreuses familles haïtiennes de se payer des biens et services de première nécessité. Ils contribuent également à la mise sur pied de petits commerces ou entreprises. Ils ont des retombées importantes sur la circulation de devises et un impact réel sur de nombreux secteurs économiques comme le tourisme, les télécommunications et la construction.
Plusieurs associations du Québec soutiennent des projets collectifs comme l’aide aux villages d’origine ou à des organisations sectorielles (santé, éducation, agriculture…). Depuis 1987, le Regroupement des organismes canado-haïtiens pour le développement (ROCAHD) soutient des projets répondant aux demandes de secteurs défavorisés d’Haïti. Financé principalement par l’ACDI, il s’agit d’une expérience unique parce que la communauté haïtienne d’ici se trouve directement impliquée dans l’aide publique canadienne au développement fournie à son pays d’origine. Cette initiative a servi de modèle à des programmes similaires dans d’autres pays. Cependant, l’ampleur de la catastrophe pose plus que jamais le défi de créer, à partir des transferts d’argent, un levier qui pourrait contribuer à appuyer la refondation nationale.
Réservoir de ressources humaines. Au cours des 40 dernières années, Haïti a perdu une grande partie de ses ressources humaines. Le pays a également perdu de nombreux cadres et enseignants dans le séisme. Peut-on puiser dans la diaspora pour les remplacer, au moins à court terme? Il y a dix ans déjà, une sociologue haïtienne concluait : « à court et moyen terme, Haïti n’a pas d’autre choix que d’avoir recours à ses compétences de l’émigration, à moins de faire appel en grand nombre à des ressources étrangères ». En fait, une nouvelle approche des migrations et de la mobilité des personnes s’impose de plus en plus : on essaie de passer de la « fuite des cerveaux » à la « circulation des cerveaux ».
Par ailleurs, le groupe de réflexion et d’action pour une Haïti nouvelle (GRAHN) – fondé à Montréal dès le 20 janvier 2010 – a traité des grands enjeux de la reconstruction nationale avec un accent sur l’éducation lors des deux colloques qu’il a organisés en mars et mai derniers. Il a publié, le 3 novembre, un ouvrage collectif[3] contenant des recommandations adressées aux dirigeants d’Haïti et une vingtaine de projets structurants commela création d’un Fonds d’investissement et de développement et la mise en œuvre d’un projet GRAHN-UQAM de radio éducative. Aussi, les 22 et 23 mars 2010, une délégation du Québec a participé à un Forum de la diaspora haïtienne à Washington, où un éventail de propositions ont été faites en vue de permettre un recours optimal aux potentialités de la diaspora dans la reconstruction d’Haïti.On retrouve parmi elles la création d’un Corps de service civique, avec une attention particulière aux femmes et aux jeunes de la seconde génération; le recours à différents programmes d’organisations internationales pour faciliter des séjours plus ou moins longs de professionnels haïtiens dans leur pays d’origine; la mobilisation des ressources de la diaspora pour faciliter la collaboration avec les universités étrangères et renforcer le système d’éducation en Haïti.
Plusieurs recommandations adoptées lors de ces rencontres ont déjà été acceptées par les autorités haïtiennes et certaines sont en cours d’exécution. Par exemple, à la demande du ministère des Haïtiens vivant à l’étranger, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a relancé le programme TOKTEN (Transfert des connaissances par l’intermédiaire des expatriés nationaux) en septembre 2010.
Un rôle de vigie. Dans la lettre publiée dans Le Devoir précédemment citée, un collectif d’auteurs québécois d’origine haïtienne invitait notamment les participants à « éviter que l’aide internationale massive nécessaire à la reconstruction d’Haïti devienne une assistance à la production durable d’assistés dans un État durablement dépendant ». La vigilance de la communauté devra aussi porter sur le suivi des programmes de coopération annoncés par les gouvernements du Canada et du Québec.
On le voit, la communauté haïtienne du Québec s’efforce d’être présente dans les efforts de reconstruction et est bien consciente qu’il s’agit là d’un engagement à long terme.