Evelne Alcide, Seisme (Earthquake), 2010. Painting credit
Les Haïtiens que l’on croyait amorphes dépolitisés et résignés étaient sortis massivement exprimer leur refus du gaspillage Petrocaribe et contre un président nul, incapable de s’occuper de lui-même. Tout a été dit sur ce mouvement Petrochallenger, citoyen, ordonné, pacifique qui a su donner à l’extérieur une image éminemment positive d’un pays perçue jusque-là plutôt sous l’angle exclusivement négatif, peuple et gouvernants confondus.
Qui peut en Haiti mobiliser la rue de manière aussi massive et ordonnée ?
Les jouisseurs du régime jouaient sur du velours car pour les Haïtiens la coupe était pleine face à un système prédateur et corrompu qui a décidé de se maintenir par tous les moyens.
La seule condition pour tout mouvement populaire est de dépasser la phase actuelle d’euphorie populaire et d’angélisation du peuple auquel sont attribuées toutes les vertus révolutionnaires et créatrices. Et dépasser également le discours d’indignation et de diabolisation de l’ancien régime.
Il faut maintenant passer à la réflexion, l’organisation et aux choses concrètes. Certes le mouvement petrochalleger est un organisme vivant, puissant et dynamique mais il faut se rendre à l’évidence qu’il n’a ni tête, ni bras, du moins visibles. Supposons qu’on qu’on envisage une solution politique pour satisfaire la revendication populaire : avec qui discuter, avec qui mener la transition ? C’est un nouveau blocage en perspective. Il est donc urgent que sortent du mouvement des hommes, des projets et des partis politiques qui seront les forces vives du renouveau démocratique Haïtien. Car, il faut bien comprendre que c’en est fini de ces partis-tambouille qui ont fait le lit de la mégalomanie Rose .
Il est clair que ceux qui pensent avec un manque flagrant de réalisme qu’Haiti ne doit être que moderne et laïque veulent à l’évidence reproduire le schéma sociologique de l’Haiti coloniale. La grande masse indigène c’est fini. Tous les Haitiens sont citoyens à part entière et doivent être tous tirés vers le haut et non vers le bas.
Toutefois, ce serait mal compris de sombrer dans l’optimisme béat car le pays sera vite rattrapé par la logique économique alors que la population attend des mesures très concrètes et très vite. Le risque de désillusion est grand si la patience, la raison et le travail n’accompagnent pas le renouveau politique comme des vertus cardinales.
Henry Beaucejour